Duende… Ce mot, lisse et fondant en bouche signifie tout d’abord esprit, lutin. Il provoque, dans les habitations qu’il investit, du désordre et de l’imprévu : c’est une présence magique.
Dans la langue andalouse et en particulier dans le champ du flamenco, il désigne ce charme, cette étincelle qui, soudain, comme électriquement, se communique, en un instant, de la litanie, au danseur et à son public.
Une phase a soudain aboli la temporalité : la fraction de seconde est devenue l’éternité et les limites, en cet instant, se sont dissoutes : plénitude du duende.
Ovejita' son blanca' [siguiriya]
Pedro & Iñes Bácan*
Cette expérience est essentiellement d’ordre charnel et on peut la voir se produire sous plusieurs formes : je pense entre autres, au photographe Willy Ronis. Il photographiait un jour un train de bateaux sur la Seine. Il se penche au-dessus du pont, appuie sur le déclic en un éclair et presque à son insu, en aveugle, au moment où passait une péniche.
Aveugle ou visionnaire ? Développant le négatif, il découvre une de ses plus belles photos : la péniche en plongée oblique, l’eau, comme ascendante tout autour, et, sur le pont, la grâce de deux enfants qui jouent.
Mais plus que la beauté du résultat, ce fut la force de l’expérience qui le marqua d’une empreinte inoubliée : photo de hasard, mouvement imprévu, hors de tout calcul intentionnel ou rationnel ; accord inattendu : duende.
Le duende se produit comme une stupéfiante et soudaine perception en un instant qui ne se répètera pas.
Il provient du dedans mais surgit dans un espace médian entre un corps et le monde.
Le visible et l’invisible s’enlacent alors et le corps enveloppe soudain le monde qui l’enveloppe, ce que Confucius avait d’une certaine manière, énoncé : la terre n’est que «cette petite quantité […] que l’on peut tenir dans la main » : nous contenons alors l’élément qui nous contient.
Dans cet enveloppement réciproque, notre chair devient en même temps celle du monde.
L’on en ressent comme une étrangeté qui peut apparaître au détour de la poésie de la peinture, de la musique ou d’expériences existentielles devenues ourlets de l’expérience visible.
Ainsi en témoigne Philippe Jaccottet- « continuant à essayer d’approcher ce tout petit, ce bref événement, je me suis dit qu’il s’agissait d’une sorte de heurt intime, et ce heurt si l’on peut dire redoublé : parce qu’il semblait parfaitement incompréhensible que ce fût incompréhensible à ce point : tout bonnement d’être là, dans ce lieu et ce moment-là, vivant, à coup sûr, ne rêvant pas, au milieu de choses toutes aussi indubitables les unes que les autres dans leur relative insignifiance et leur mutisme »
Ce « redoublement » ne représente pas la réitération d’une perception dont la caractéristique est l’unicité ; il est l’ « incompréhensible » porté à la puissance deux : l’instant échappe à l’entendement comme à l’écriture qui voudrait le « ressaisir » : il est éveil et rêve mêlés ; ce qui s’est produit ne se peut alors ni expliquer ni écrire ; que s’est-il donc produit ? Nous voilà pris dans l’inconnaissance : le duende ne peut s’inscrire dans une temporalité et une forme qui se laisseraient définir : son essence est la fugacité de l’instant et l’insaisissable d’une présence dont l’évidence émerveille et aussitôt s’évade.
Pourtant, dans l’art et dans la vie, des éclats, fragments lumineux, à la fois ressentis et perdus attestent de sa réalité : nous en mourons et ressuscitons.
Sensation et sentiment mêlés, expression soudaine de soi, le duende dort dans les plis du corps et quand tout à coup il se réveille et se révèle c’est le corps qui se déploie en un fugace essor rejoignant le monde.
Quand il jaillit dans le flamenco dont il s’origine, il s’élance jusqu’aux abords de la douleur et de la mort, mais dans la joie.
La mort n’y est pas une fin mais un rappel à vivre dans une mélancolique allégresse ; à vivre ; et, la mettant en actes, à miser sa vie.
N.C.
* Précaution : proposition musicale de V.L. Faire entendre une illustration sonore du 'duende' dans la musique flamenca est une gageure puisque c'est, par essence, un moment unique, non répétitif, d'un rapport très particulier, comme l'a exprimé N.C., à la temporalité. État de grâce expressif et émotionnel. Autre chose serait d'offrir une expression virtuose, bien ancrée dans son 'pathos', prête à être consommée par des oreilles en quête de couleur locale. L'exceptionnelle siguiriya 'Ovejita' son blanca', interprétée ici par Pedro Bácan, à la guitare, et Iñes Bácan, pour le chant, tout au contraire, est sans effets, tournée vers l'intérieur, sa capacité de 'contagion' relèvant de l'intensité et de la vérité du 'moment' artistique ainsi créé, touchant l'être au plus profond. Cela est si patent que le producteur de l'enregistrement a tenu, concernant cette pièce, à en préciser le caractère d''improvisation sur une letra traditionnelle, dans un climat d'émotion communicative', ajoutant : 'Nous avons été obligés de faire une longue pause après cette siguiriya'. Duende donc. Pour ce qui est du contexte de l'enregistrement, je renvoie au billet 'Voces gitanas', consacré à Pedro Bácan, dans les pages de mon blogue. Dans l'impossibilité de rendre la couleur de la langue andalouse de la 'lettre' de cette siguiriya, privilège réservé ici à la voix, je donne ici la traduction qui accompagne l'enregistrement :
Les moutons sont blancs / Et le pré est vert / Le jeune pâtre, mère, qui les garde / Se meurt de chagrin Tu as commis à mon égard / Une villenie / Que t'en fassent autant les maures / Dans leur pays Je m'en vais chez les maures / Pour ne plus te voir / parce que tu as fait à mon pauvre cœur / De quoi beaucoup pleurer Hôpital de Cadix / Dans la rangée de droite / Là-bas, la mère de mon âme avait / Son lit fait Que l'on perde la France / l'Espagne et le Portugal / La tendresse de mon frère Pedro / Je ne la donne pour rien
Deux ou trois paroles
en l’air
l’air fatigue
l’air marin surtout
en été sur les quais
les marins marinent
en hiver
le Père Noël
tire ses rennes en l’air
et traîne traîne ses chiens
les étrennes trinquent
au pied du sapin
mon beau sapin
droit dans les forêts
coupé étriqué
perd ses aiguilles
mélancolique défaite.
Deux ou trois paroles
font l’air
les vœux font l’année
l’année se fait la belle
et s’enfuit
robe troussée aux fesses
qu’elle a fort rondes
sans effort
ce qui n’est pas mon cas.
Deux ou trois vœux
indulgents
ou dangereux
chaleureux
heureux
ou vifs
ou froids
distants mais sincères
serrez-moi dans vos bras
embrassez les marins
les sapins
les passants dépassés
embrassez mon secret.
Contre le veau d’or, le choix du verbe et de ses métamorphoses.
Si l’histoire vous refait toujours, le poète, lui, ne se refait pas ; désirant, il persiste dans son être.
Louise L. Lambrichs.
HENRI MICHAUX. Eclatements
MICHAUX, un de mes prophètes.
Au temps où je ressentais encore des influences littéraires, intellectuelles ou humaines, avant que je ne me fusse revêtu de ma carapace de tortue et que la littérature ne fût devenue à mes yeux autant de Pepsi-cola, j'éprouvai une grande joie à lire la poésie d'Henri Michaux. Je me souviens encore de sa délicate sensibilité, de ses phrases subtiles et précises, de son esprit sublime. Il y avait quelque chose appelé PLUME, un personnage, un héros comique que j'aurais aimé être. Il y avait aussi un endroit appelé GRANDE GARABAGNE que je transposais pour moi-même dans le New York des années 1940. Sans Michaux je n'aurais jamais eu la gaieté qui est mienne depuis que je l'ai lu.
Carl Salomon.
Lectures qui ne peuvent laisser indifférent.
"La Traversée des Monts Noirs" Serge Rezvani. "L'élégance du Hérisson" Muriel Barbery. "Cercle" Yannick Haenel. "Je sais" Ito Naga. "L'animal que donc je suis" Jacques Derrida.
François Meyronnis.
Souvent il (celui qui émet la phrase de réveil) est né avec un pied hors de la vie – et grâce à ce pied-là le vivre montre ce dont il est capable. Car celui qui émet la phrase de réveil a un pied dans la tombe mais la tombe ne le contient pas. Au lieu de mourir, il acquiert le libre usage de sa naissance, employant le trésor renfermé en elle : une richesse qui flambe, qui brûle. Il meurt et naît sans cesse, le peleur de langue : on ne le fixe à aucune chaîne biologique. La vie, il ne la reçoit pas au départ. A chaque instant, il l’atteint. Il y arrive en traversant la mort avec son souffle. Quand cela a lieu, les démons pleurent.
Yannick Haenel.
Chaque point de l’existence se rejoint par le versant de la détresse aussi bien que par celui des émerveillements. Une extase, me disais-je, ce n’est ni de la joie ni du désespoir. C’est l’un et l’autre anéantis, et qui se dilapident en un seul instant. Votre corps, s’il exulte, c’est d’être quitté soudain par tous ses états d’âme. En une seconde, on lui ôte sa matière grasse. Sentiments, sensations, savoir, ignorance, tout la bric- à- brac de l’identité, on vous l’arrache. C’est ça qui soudain catapulte le corps dans la violence du ravissement. Vous êtes nu – ou plutôt sans rien. Je ne sais pas, à cet instant-là, comment vous « êtes » : est-ce qu’on « est » encore ? Moi, face au rhinocéros, je n’étais plus un corps, mais une poudre d’atomes jetés au ciel, et qui s’effaçait en myriades de poussière dans les arbres du zoo. Déchiqueté par le large. Si je cherche un équivalent dans des expériences qu’on connaît, je parlerais d’un orgasme – un orgasme qui vous néantise intégralement, du crâne aux orteils, et vous recompose aussitôt. Cette secousse est sans objet. Elle ne vous octroie rien. Vous vous dites que c’était sans doute ça « être là ». Que le royaume, c’est une excursion dans le néant.. C’est terrible parce qu’il n’y a absolument rien, et ce rien, il en faudrait peu pour qu’il vous déchire. D’ailleurs, il vous déchire. Et depuis cette déchirure, ça s’ouvre.
Michel Foucault, le 3 Mars 1982
Au 1er 2ème siècle, on s’aperçoit que l’écriture est déjà devenue, et ne cesse de s’affirmer toujours davantage comme un élément de l’exercice de soi. La lecture se prolonge, se renforce, se réactive par l’écriture, écriture qui est elle aussi […] un élément de la méditation. Sénèque disait qu’il fallait alterner écriture et lecture. C’est dans la lettre 84 : il ne faut pas toujours écrire ni toujours lire ; la première des occupations ( écrire), si on la continuait sans cesse, finirait par épuiser l’énergie. La seconde, au contraire, la diminue, la dilue. Il faut tempérer la lecture par l’écriture, et réciproquement, de telle sorte que la composition écrite mette en corps (corpus) ce que la lecture a recueilli. La lecture recueille des orationes, des logoi , (des discours, des éléments de discours) ; il faut en faire un corpus. Ce corpus, c’est l’écriture qui va le constituer et l’assurer. L’écriture […] a l’avantage d’avoir deux usages possibles et simultanés. L’usage en quelque sorte pour soi-même. Car dans le seul fait d’écrire, précisément, on s’assimile la chose même à laquelle on pense. On l’aide à s’implanter dans l’âme, on l’aide à s’implanter dans le corps, à en devenir comme une sorte d’habitude, ou en tout cas de virtualité physique […] Usage pour soi ; mais bien entendu aussi l’écriture est un usage, elle sert pour les autres. Ah oui, j’ai oublié de vous dire que ces notes que l’on doit prendre sur les lectures ou sur les conversations qu’on a eues, […], s’appellent précisément en grec des hupomnêmata. C'est-à-dire : ce sont des supports de souvenirs […] Ces hupomnêmata, ils servent pour soi, […] mais ils peuvent servir pour les autres […] Et - là aussi c’est un phénomène de culture, un phénomène de société très intéressant à l’époque - on voit combien la correspondance, une correspondance que nous appellerions, si vous voulez, spirituelle, correspondance d’âme, de sujet à sujet, correspondance qui a pour fin […] de se donner l’un à l’autre des nouvelles de soi-même, de s’enquérir de ce qui se passe dans l’âme de l’autre, ou de demander à l’autre de vous donner des nouvelles de ce qui se passe en lui, combien tout ceci est devenu à ce moment-là une activité extrêmement importante.
Michel Foucault, le 3 mars 1982
Dans [son] « Traité de l’écoute », Plutarque reprend un thème qu’il dit explicitement avoir emprunté à Théophraste […] Il dit ceci : au fond l’audition, l’ouïe, c’est à la fois le plus pathêtikos, et le plus logikos de tous les sens. C’est le plus pathêtikos, c'est-à-dire que c’est le plus – traduisons grossièrement et schématiquement – « passif » de tous les sens. C'est-à-dire que l’âme, dans l’audition, plus que dans n’importe quel sens, se trouve passive à l’égard du monde extérieur et exposée à tous les événements qui lui viennent du monde extérieur et qui peuvent la surprendre. Et Plutarque explique en disant : on ne peut pas ne pas entendre ce qui se passe autour de soi. Après tout, on peut refuser de regarder : on ferme les yeux. On peut refuser de toucher à quelque chose. On peut refuser de goûter à quelque chose. On ne peut pas ne pas entendre. De plus, dit-il, ce qui prouve bien la passivité de l’audition, c’est que le corps lui-même, l’individu physique risque d’être surpris et ébranlé par ce qu’il entend, beaucoup plus que par n’importe quel objet qui peut [lui] être présenté soit par la vue soit par le contact. On ne peut pas s’empêcher de sursauter à un bruit violent qui nous saisit à l’improviste. Passivité du corps par conséquent à l’égard de l’ouïe, plus qu’à l’égard de n’importe quel autre sens. Et puis enfin l’ouïe est évidemment plus capable que n’importe quel autre sens d’ensorceler l’âme […] Donc l’ouïe est le plus pathêtikos de tous les sens. Mais, dit Plutarque, c’est aussi le plus logikos. Et par logikos, il veut dire que c’est le sens qui peut, mieux que n’importe quel autre, recevoir le logos. Les autres sens, eh bien, ils donnent accès essentiellement aux plaisirs. […] En revanche, l’ouïe est le seul de tous les sens par lequel on peut apprendre la vertu […] parce que la vertu ne peut être dissociée du logos, c'est-à-dire du langage raisonnable, du langage effectivement présent, formulé, articulé, articulé verbalement dans des sons et articulé rationnellement par la raison. Ce logos-là ne peut pénétrer que par l’oreille et grâce au sens de l’ouïe. Le seul accès de l’âme au logos, c’est donc l’oreille. Ambiguïté donc fondamentale de l’ouïe : pathêtikos et logikos.
René Char : entretien avec France Huster.
F.H. : Quand nous nous sommes promenés tout à l'heure dans le pré qui longe votre maison, vous m'avez montré un muret de pierres sèches : "une preuve pléthorique", m'avez-vous dit, et, avez-vous ajouté devant quelques pierres grisonnantes sous les racines d'un arbre, "une trace".
R.C. : probare, c'est éprouver, et, plus tard : jeter en avant la preuve. La trace, elle, est l'habitante négligeable du présent. Elle ne cherche pas à développer un plaidoyer mais reste un souvenir vite reconnu, un gué de hasard... Mais toutes deux, la trace et la preuve nous sont essentielles. Ce qu'on peut rechercher, c'est le langage de ces objets qui sont à la fois l'un et l'autre... Les traces ne doivent pas forcément demeurer et cette preuve d'un mur jonché de ronces, sur lequel s'appuie un amandier élargi, ne sait rien évoquer sinon une des anciennes limites du jardin, ou un coup d'arrêt au pluies d'octobre et de mars qui devaient dévaler du coteau. Longtemps nos ancêtres ont dû regarder les orages se précipiter et la foudre griller les bois. De cet effroi et de cette contemplation est apparu le feu conquis.
Nadine Meyran : écritures.
Voici ce que j'essaie de penser : Comment nos écritures, nos oeuvres, bordent-elles un "jeu-hors je"? Comment, grâce à elles, approcher, sans y tomber, le bord du trou? Et, laissant des traces, retourner chez nous, puis y revenir, y voir, un peu, la mort, la jouissance?
Peter Sloterdijk lecteur de René Char.
La transcendance est une dimension rythmique,pas métaphysique. On est toujours suffisamment ailleurs-qui donc est vraiment là? Et quand? Il y a peu, j'ai trouvé quelque part chez René Char une phrase qui me trotte dans la tête : Si l'homme, de temps en temps ne fermait pas, souverainement les yeux, écrit-il, il n'aurait bientôt plus rien qui mérite d'être contemplé...Fermer souverainement les yeux, c'est peut-être un nom de code poétique pour "dériver", se reposer.
Punto. François Meyronnis.
La littérature n'est vraiment littéraire que comme SCIENCE DE LA JOUISSANCE. Tout, en elle, procède du PUNTO et s'y dirige.
C'est d'ailleurs vrai de toute poésie :poésie de peinture, poésie de musique, poésie de danse,poésie de révolution,etc.
Et, d'une autre façon, non recueillie,pas encore passée au crible, de la poésie contenue dans chaque fragment d'existence, présente même dans la vie la plus étriquée, la plus soumise au on-dit.
Paule Pérez: non-lieux et empreintes.
"Couper des non-liens, des non-lieux, voir ce qui reste au fond; comme dans la chanson d'Alain Souchon : "Passez votre amour à la machine, faites bouillir pour voir si les couleurs d'origine peuvent revenir; est-ce que l'on peut passer à l'eau de javel les sentiments?"
"Quelque chose va au-delà de ma compréhension et m'y ramène en même temps. Effets sans cause ou effets qui naîtraient d'une trace, d'une empreinte dont il ne resterait que l'empreinte, l'effet d'une in-formation, pas l'information en elle-même...Entendu ce matin à la radio, qu'il y a un genre de parc de la trace et de l'empreinte dans les Pyrénées; un type appelé Orengo a créé un genre de musée pour que les gens reconstituent une histoire, un monde,en partant d'une empreinte- de pas, d'animal, quoi d'autre...d'immatériel."
René Char :"Faire chemin avec"...
"Comme on s'extrait de l'épaisseur du soir, disparaître de la surface des livres pour que s'en déverse le printemps migrateur, hôte que notre corps non multiple gênait."
"Nous n'avons pas commis le crime d'amont. Nous avons été déssaisis dès le glacier; au même moment accusés, et incontinent flétris. Quelques réchappés errent deçà-delà, banlieusards. La jeunesse de nos états affectifs les montre intacts."
Héraclite d'Ephèse selon René Char.
René Char
"Notre héritage n'est précédé d'aucun testament"
In Sém. "Le Transfert" Jacques Lacan.
On retire au sujet son désir,et,en échange, on l'envoie sur le marché, d'où il passe dans l'encan général
Lacan et le regard.
In "écrits"; Jacques Lacan.
"Les seuls hommes de vérité qui nous restent [sont] l'agitateur révolutionnaire, l'écrivain qui de son style marque la langue"
Volupté de l'engagement.
Volupté de l'engagement selon Lydie Salvayre.
M'engager dans l'écriture, c'est engager ma volupté dans cette chair du verbe. C'est l'étreindre, l'embrasser, la coucher, comme l'on dit si bien. C'est m'engager dans cette volupté avec la certitude qu'aucune phrase au monde ne pourra jamais se réduire à son sens. Pas d'écrit qui vaille, fût-il le plus intelligent, sans cette volupté trouvée dans la chair du verbe, et transmise.
Orphérisson.
Orphérisson ( Noëlle Combet)
Chez le hérisson, les deux sexes sont semblables. Il porte environ 6000 piquants érectiles. Se déplaçant d'une démarche rapide, mais irrégulière, comme bosselée, il s'interrompt souvent pour humer l'air. Il dépose ses crottes au hasard. Elles sont d'un noir diamantin et de taille variable (10mm.environ de diamètre et 4cm. de long)...Elles contiennent sovent des élytres et autres débris animaux et végétaux, ses "fleurs du mal" pour ainsi dire...Dans la nature, c'est un "promeneur solitaire" et sur les grand routes civilisées, on le voit souvent écrasé...comme la poésie sur le macadam contemporain.
Scyignes1
Scyignes2
Sigmund Freud: "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci"
"Lorsque Léonard, au faîte de son existence, rencontra de nouveau le sourire de ravissement bienheureux qui jadis avait animé de ses jeux la bouche de sa mère quand elle le caressait...il était devenu peintre, et c'est pourquoi il s'efforça de recréer ce sourire avec son pinceau et il en dota tous ses tableaux- la LEDA, le JEAN- BAPTISTE et le BACCHUS-."
Freud au balcon.
Héraclite
Tout passe et rien ne demeure...Tu ne saurais entrer deux fois dans le même fleuve.
Prendre le large.
Giorgio Agamben
L'enjambement, d'une autre manière que le blanc mallarméen, qui annexe la prose au champ du poème,est pour le vers une condition nécéssaire et suffisante
Enigmatique enjambement.
La césure selon Hölderlin.
C'est "la parole pure, l'interruption antirythmique, qui s'oppose, au point culminant, à la suite et au charme des représentations, afin que devienne manifeste, au lieu de leur alternance, la représentation elle- même."
Pierre Alferi.
"Tout ce qui est balancement,vitesse, syncope relève de la syntaxe. Ainsi entendue, la syntaxe est bien plus que la squelette de la phrase, c'est son système circulatoire :ce qu'il y a de rythmique dans le sens."
Giorgio Agamben
"L'homme seul parvient à interrompre, dans la parole, la langue infinie de la nature et à se poser pour un instant face aux choses muettes. La rose informulée, l'idée de rose n'existe que pour l'homme."
Traversée du nihilisme: L'arbre d'avant
Traversée du nihilisme: L'arbre d'après
Jorge Semprun dans"L''écriture ou la vie"
Dehors, la nuit était claire, la bourrasque de neige avait cessé. Des étoiles scintillaient dans le ciel de Thuringe. J'ai marché d'un pas vif sur la neige crissante, parmi les arbres du petit bois qui entourait les bâtiments de l'infirmerie. Malgré le son strident des sifflets, au loin, la nuit était belle, calme, pleine de sérénité. Le monde s'offrait à moi dans le mystère rayonnant d'une obscure clarté lunaire. J'ai dû m'arrêter, pour reprendre mon souffle. Mon coeur battait très fort. Je me souviendrai toute ma vie de ce bonheur insensé,m'étais-je dit. De cette beauté nocturne...J'ai levé les yeux...Sur la crête de l' Ettersberg, des flammes orangées dépassaient le sommet de la cheminée trapue du crématoire.