A
l’écoute de l’interprétation du premier
concerto de Haydn par le violoncelliste Truls Mork avec l’orchestre
d’Amsterdam, je lui ai ouvert en grand l’espace de mon rêve intérieur, ce
« loin proche» où il se trouve désormais en compagnie d’autres présences,
appartenant au passé ou à l’actualité, voisines ou absentes.
Son
rapport au violoncelle m’a extasiée. Je m’emplissais de cette musique et du
lien de l’homme avec l’instrument, un
lien de possession réciproque. Je ressentais la jouissance du violoncelle dans
les deux sens. J’étais prise par ce regard si visionnaire, si intérieur, qu’il
en paraissait aveugle.
Pour
finir, il a, comme Pablo Casals au terme de ses concerts, offert au public
l’air catalan « Le chant des oiseaux ». Dans son jeu poignant, on ne
pouvait les imaginer que blessés ou morts, ces oiseaux ; et, me rappelant
que Pablo Casals voulait faire de cette mélodie le symbole d’un lien entre les
peuples, ressentant la profonde tristesse que Tuls Mork imprimait à cette
musique, j’ai pensé avec douleur à ces êtres et à ces choses de culture, donc
de civilisation et d’humanité, actuellement ravagés dans le monde par une
violence déchaînée. J'ai pensé aussi aux dévastations infligées à la nature. Maurice Blanchot écrivait : « Le désastre
signifie être séparé de l’étoile (le déclin qui marque l’égarement lorsque s' est
interrompu le rapport avec le hasard d’en haut). »
Le
chant des oiseaux était devenu pour moi dans l’interprétation de Truls Mork
« le désastre des oiseaux » et je ne puis m’empêcher de penser qu’il
a voulu faire passer cela et qu’il y est parvenu avec cette sensibilité
exceptionnelle qui caractérise son lien à la musique.
nc